mercredi 2 avril 2014

5 mesures pour que Benoît Hamon redresse l'école

FIGAROVOX/TRIBUNE - Après le bilan décevant de Vincent Peillon et l'échec de sa réforme des rythmes scolaires, Jean-Rémi Girard, secrétaire national à la pédagogie du SNALC-FGAF, donne 5 conseils au nouveau ministre de l'Education nationale pour faire mieux.
 

 

Jean-Rémi Girard est Secrétaire national à la pédagogie du SNALC-FGAF (Syndicat National des Lycées et Collèges). Il tient le blog sur l'Education nationale «Je suis en retard»

Benoît Hamon, s'il veut remettre l'École de la République sur de bons rails, n'a pas de temps à perdre. Loin des polémiques d'appareils et des lobbyings divers et variés, il doit absolument définir une ligne claire et volontariste. Cela passe par cinq grandes mesures à prendre très rapidement:
1- Revenir sur la réforme des rythmes scolaires
Cette réforme, annoncée par son prédécesseur avant même son arrivée rue de Grenelle, a été telle le sparadrap du capitaine Haddock dans Vol 714 pour Sidney: impossible de s'en défaire, impossible de penser à autre chose. Car on ne fait pas forcément de bonnes réformes avec de bons sentiments, et l'«intérêt de l'enfant» est une notion souvent difficile à déterminer de manière objective. À l'arrivée, branle-bas de combat chez les professeurs, chez les parents d'élèves (formidablement mal représentés par la FCPE, première fédération de parents d'élèves qui a marqué son soutien indéfectible, souvent contre l'avis même des gens qu'elle représente) et chez les maires. Il faut dire que dans les campagnes françaises, trouver des animateurs pour assurer 45 minutes d'activités par jour (et les rémunérer!) est un sport qui ressemble comme deux gouttes d'eau à la chasse au dahut. Les communes se retrouvent donc à allonger la pause de midi, à proposer de la garderie (pour les activités, il faudra payer), à recruter tout et n'importe qui, voire à supplier les professeurs des écoles de revenir s'occuper des élèves après les cours. Il paraît qu'au départ l'objectif était d'alléger la journée et la semaine. Bref, il faut stopper le massacre et redonner un véritable cadre national à la semaine scolaire. Celui des 4 jours n'était peut-être pas idéal, mais au moins, ce n'était pas la chienlit.
2- Revaloriser le métier de professeur
Ah, les professeurs! Ces gens toujours en vacances, qui ne travaillent que 15 ou 18 heures par semaine et qui ont la sécurité de l'emploi! Le rêve, hein? La réalité, elle, est malheureusement têtue, et on ne parvient plus à recruter. Ni dans le primaire, ni dans le secondaire. Il y a moins de candidats en Lettres Classiques que de postes, les Mathématiques et la Musique sont sinistrées, les Lettres Modernes et l'Anglais ne vont pas tellement mieux, et même l'Histoire-Géographie ne se sent pas très bien. Quant au primaire, on recrute à 4/20 de moyenne dans l'académie de Créteil, et les pourcentages de réussite aux concours feraient rêver tout parti politique se présentant à une élection. Alors il faut le dire: pour leur niveau d'étude, les professeurs français sont mal payés (les comparaisons internationales sont sans appel) et travaillent souvent dans des conditions déplorables. Ne pas chercher à y remédier n'est plus concevable.
3- Former les personnels et non les déformer
Supprimer les IUFM (dont le moins que l'on puisse dire est qu'ils ne donnaient pas entière satisfaction) avait pu sembler une bonne idée à l'époque. Ne les remplacer par rien en avait été une nettement moins bonne. Vincent Peillon avait donc eu raison de restaurer une véritable formation des professeur dans le cadre des Écoles Supérieures du Professorat et de l'Éducation. Sauf que dans les faits, on a retrouvé les IUFM et toutes leurs dérives. Puisque Benoît Hamon est à la tête à la fois de l'Éducation nationale et de l'Enseignement supérieur, il doit avoir les moyens de remettre de l'ordre dans les «masters enseignement» afin que les futurs professeurs reçoivent une solide formation disciplinaire et acquièrent de réelles compétences professionnelles à l'aide d'interventions de gens de terrain et de stages. Arrêtons les idéologies fumeuses, et soyons pragmatiques.
4- Mettre la transmission des savoirs disciplinaires au centre
Alors que Vincent Peillon a mis en place un Conseil Supérieur des Programmes et que ce dernier travaille actuellement sur l'ensemble du primaire et du collège, il est grand temps d'apprendre enfin à tous les élèves à lire, à écrire et à compter. Il faut donc faire la promotion de méthodes efficaces et éprouvées, loin des délires que nous avons pu connaître ces trente dernières années. Il faut aussi savoir sérier les priorités: faire enseigner l'anglais en CP à des professeurs qui n'ont pour la plupart jamais fait d'études de langues n'est peut-être pas essentiel, surtout quand cela est pris sur des heures auparavant dévolues au français. Il convient donc de fixer des objectifs clairs, de remettre au goût du jour la grammaire, l'orthographe et le calcul (aussi bien chez les élèves que dans la formation des professeurs) et d'arrêter de demander à l'École de tout faire. Car à l'arrivée, elle ne fait plus rien bien.
5- Restaurer l'autorité
Peut-être faudrait-il commencer par là, en fait. Cela ne demande pas de grandes réformes. Il faudrait tout simplement appliquer et faire appliquer les textes actuels de façon stricte. Arrêter de remettre en cause systématiquement la parole des professeurs («mais que lui avez-vous fait, à ce pauvre petit, pour qu'il vous balance un coup de poing?»). Mettre en place un véritable système fonctionnel et des structures pour prendre en charge les élèves, pas si nombreux que ça, qui rendent invivables certains établissements scolaires. Cela sera probablement plus efficace que de financer des «observatoires de la violence scolaire», qui, depuis le temps qu'ils observent, auraient bien dû se rendre compte que quelque chose ne tourne pas rond.
En bref, faire qu'un professeur considéré puisse enseigner les choses essentielles à des élèves qui sont là pour apprendre et qui savent qu'ils n'ont pas intérêt à faire n'importe quoi. Est-ce si dur à réaliser?

L'éducation, un « short » ministériel taille XL pour Benoît Hamon

Benoît Hamon, le 17 mai 2013.


Benoît Hamon, le 17 mai 2013. | AFP/REMY GABALDA

Ces derniers mois, Benoît Hamon s'estimait à l'étroit au ministère délégué à l'économie sociale et solidaire et à la consommation. « Il trouve que Hollande lui a donné un short trop petit dans l'équipe du gouvernement », plaisantait un cadre socialiste. En privé, ce quadra, fan de rugby, hésitait entre trois futurs possibles: soit un «short» ministériel taillé plus grand, soit la tête du PS, soit briguer la présidence de la région Ile-de-France en 2015. Ce sera donc le «short» taille XL.

Mercredi 2 avril, Benoît Hamon a quitté Bercy pour un ministère élargi de l'éducation nationale, du supérieur et de la recherche. L'ancien leader étudiant contre la loi Devaquet en 1986 devient le patron des profs. Sa nomination était en préparation depuis quelques mois. En novembre, son action auprès des syndicats étudiants et lycéens lors de l'affaire Leonarda avait été remarquée par l'Elysée. Depuis, il a rencontré Bernadette Groison, la secrétaire générale de la FSU, première fédération de l'éducation, en début d'année. Et la semaine dernière, des proches du nouveau ministre ont laissé quelques messages à des ténors du monde éducatif.
Lire l'article Benoît Hamon, solidaire du gouvernement mais critique dans le parti
Pourquoi Benoît Hamon? Il a fait toute sa carrière au Parti socialiste – sauf quelques années passées à l'institut de sondages Ipsos au début des années 2000 – est classé à l'aile gauche du PS. Et puis ces derniers mois, MM.Valls et Hamon ont passé un «gentlemen agreement» après s'être longtemps combattus dans l'appareil socialiste. «A l'automne, Valls a compté ses forces. Hamon était présent, Peillon non», confie un observateur. Par ailleurs, placer un ministre estampillé «gauche socialiste» dans un corps enseignant n'est pas insensé.
UN POSTE À HAUTS RISQUES
Breton de naissance, une enfance passée en partie au Sénégal, M.Hamon est entré au PS dans les années 1980 par la porte rocardienne. Il devient en 1993 le président du Mouvement des jeunes socialistes (MJS), une organisation qu'il tient toujours à sa main. Conseiller de Martine Aubry au ministère de l'emploi sous le gouvernement Jospin, il glisse peu à peu vers l'aile gauche du PS avec Henri Emmanuelli. En 2003, il fonde le Nouveau Parti socialiste avec ses amis d'alors, Vincent Peillon et Arnaud Montebourg.
Mais l'amitié tactique ne dure pas et le NPS éclate deux ans plus tard. «Noniste» en 2005, il soutient Laurent Fabius, mais devient porte-parole du premier secrétaire du PS François Hollande après le référendum sur l'Europe. Candidat à la direction du parti au congrès de Reims en 2008, il rallie Martine Aubry contre Ségolène Royal. En 2011, il ne concourt pas à la primaire, laissant le champ libre sur le flanc gauche du parti à M.Montebourg. Partisan de MmeAubry, il a néanmoins été nommé ministre par M.Hollande dans le gouvernement Ayrault, et son courant au PS, Un monde d'avance, a intégré la direction du parti. Elu député des Yvelines en 2012, la liste sur laquelle il était candidat (mais pas en tête) a remporté les élections municipales à Trappes (Yvelines) dimanche.
POSTE À HAUTS RISQUES
Sa feuille de route officieuse à l'éducation pourrait bien lui demander de se contenter d'écrire les décrets d'application de la loi d'orientation élaborée par son prédécesseur, Vincent Peillon, tout en donnant l'illusion que l'éducation et la jeunesse restent prioritaires dans ce gouvernement. Un moyen de ne pas faire de vagues dans ce secteur secoué depuis 2012 par la réforme des rythmes scolaires. Une mission qui consisterait à faire marcher une machine conçue par un autre: veiller à la bonne marche des ESPE, les toutes jeunes écoles du professorat et de l'éducation, mettre une pincée de numérique et s'assurer que la réforme des zones d'éducation prioritaires poursuit son chemin…
Sera-t-il le ministre qui enterrera la promesse présidentielle de recréer 60000 postes dans l'éducation? Voir celui qui reviendra sur les rythmes scolaires? La rue de Grenelle est un poste à hauts risques. M.Hamon le sait qui en plus confiait en privé il y a quelques semaines que «Peillon a quand même un gros bilan, bonne chance à celui qui lui succédera».


source: http://www.lemonde.fr/education/article/2014/04/02/benoit-hamon-s-installe-rue-de-grenelle_4394102_1473685.html

Le bilan décevant de Vincent Peillon à l'Éducation




Crédits photo : François BOUCHON/Le Figaro
 
La réforme sur les rythmes scolaires, le projet avorté sur les classes préparatoires et la « théorie du genre » ont empoisonné les deux années de Vincent Peillon au ministère de l'Éducation. Il semble mal parti pour figurer dans le gouvernement Valls, dont la composition devrait être annoncée mercredi.
                                      
Sur le papier, c'était le ministre le plus verni du gouvernement Ayrault et l'un des mieux préparés. Vincent Peillon arrivait en 2012 avec des promesses d'embauche de professeurs à foison en temps de vaches maigres. L'éducation, avait promis François Hollande, était la «priorité» du gouvernement. De quoi faire oublier l'ère Sarkozy et ses coupes budgétaires dans les classes. Les syndicats d'enseignants accueillaient alors comme le messie cet agrégé de philosophie, réputé bon connaisseur du monde éducatif. Auteur d'un livre sur Ferdinand Buisson, héraut d'une foi laïque, le ministre avait tout pour séduire le milieu enseignant. Contrairement à certains de ses prédécesseurs, ignorants de ces questions, il avait pris le temps de prendre langue avec les différents acteurs de l'éducation et de peaufiner ses connaissances sur l'école. N'avait-il pas organisé en novembre 2009 à Dijon un grand colloque sur l'éducation rassemblant PS, Verts et MoDem?

L'épineuse question des rythmes scolaires le fait trébucher

Deux ans après, à l'épreuve de la réalité, la déconfiture n'est pas loin. Symboliquement, le ministre a trébuché dès le premier jour de sa nomination sur la question des rythmes scolaires. Le 17 mai 2012, sur le perron de la rue de Grenelle, il affiche sa volonté de rétablir la semaine de neuf demi-journées à l'école primaire. Une annonce trop rapide, sans doute, pour un sujet épineux qui concerne le quotidien des familles, des enseignants et des collectivités locales. La lune de miel s'effiloche. Les syndicats d'enseignants dénoncent «l'absence de concertation» et la «double peine» qui contraindront les enseignants à travailler une demi-journée de plus le mercredi matin, sans compensation. Les communes montent aussi au créneau. Le ministre leur demande d'organiser des «activités périscolaires» gratuites trois heures par semaine pour tous les enfants. Or ces dernières ne disposent pas toutes des mêmes moyens financiers… Et le coût des activités périscolaires s'ajoute à celui de l'ouverture de l'école le mercredi matin.

Le sujet clivant des professeurs de classes préparatoires

Ce dossier qui commence à faire descendre des enseignants et des parents dans la rue éclipse totalement la grande «refondation de l'école» portée par le ministre. De ses discussions sur le métier d'enseignant, on retient surtout un autre sujet clivant, celui sur les professeurs de classes préparatoires. L'idée, un temps évoqué, fut de revaloriser les professeurs de ZEP au détriment de certains professeurs de prépas trop bien payés. Le projet tourne court devant la mobilisation des enseignants de classes préparatoires, notamment à Paris.
La Cour des comptes, comme d'autres avant elle, affirme en 2013 que le statut des enseignants doit être réformé pour que le système éducatif soit réellement efficient. Vincent Peillon a ouvert des discussions à l'automne sur le sujet avec les syndicats. Mais là encore, sa méthode achoppe. Il n'a pas de marge de manœuvre salariale pour discuter avec les syndicats puisque les postes d'enseignants ont été promis dès le début du quinquennat. Il était ainsi question d'annualiser le travail des enseignants, d'instaurer un peu plus de bivalence. Une hache de guerre pour le Snes (Syndicat national des enseignements du second degré) qui aura eu la peau de la réforme.
Plus récemment, le ministre devient la cible des rumeurs sur l'introduction d'une «théorie du genre» à l'école. Initiateur avec Najat Vallaud-Belkacem d'un programme sur l'égalité garçons-filles à l'école primaire, l'ABCD de l'égalité, Vincent Peillon devient la tête de Turc de la Manif pour tous et des «journées de retrait» de Farida Belghoul. Ces derniers l'accusent depuis des mois de promouvoir une «indifférenciation» sexuelle entre les filles et les garçons. Dernier couac en date, le ministre dévoile devant des journalistes un scénario d'économies budgétaires à la grande fureur du gouvernement.

Les réformes plus consensuelles des ZEP et de la morale laïque

Pour les acteurs de l'éducation, Vincent Peillon a tout de même réussi à mener à bien certaines réformes dans le consensus. Sa réforme de l'éducation prioritaire a été bien accueillie dans le monde éducatif. Plusieurs milliers d'enseignants exerçant dans les établissements les plus difficiles parmi les ZEP doivent voir le montant de leur «prime ZEP» annuelle doubler, passant de 1200 euros à 2400 euros brut. Vincent Peillon décide aussi de dégager du temps pour ces professeurs. Ils bénéficieront d'une décharge de deux heures hebdomadaires dans une centaine d'établissements dès septembre 2014. Le dispositif a pour vocation à s'étendre dès 2015.
Dans la lignée de ses livres sur le sujet, le ministre de l'Éducation nationale s'est par ailleurs emparé du thème de la «morale laïque» en annonçant la mise en place d'une mission chargée de réfléchir à «la conception que nous devons diffuser de la laïcité». Dans le cadre d'un «enseignement moral et civique», la «morale laïque» sera enseignée à partir de 2015 à raison d'une heure par semaine à l'école primaire et au collège. Cette annonce a été est saluée dans le monde éducatif. Le ministre ne s'est en revanche pas prononcé sur les contenus, renvoyant cette responsabilité au conseil national des programmes…

source: http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2014/04/01/01016-20140401ARTFIG00212-remaniement-le-bilan-decevant-de-vincent-peillon-a-l-education.php